La rentrée scolaire 2020-2021 a été reportée au Mali en raison de la deuxième vague de la pandémie du coronavirus. Malgré des justifications données par les autorités, des spécialistes du domaine trouvent incompréhensible ce report.
Après la perturbation de l’année scolaire 2019-2020 en raison de la covid-19 et du mouvement de grève des syndicats signataires du 15 octobre 2016, l’école malienne court à nouveau en 2021 un risque de perturbation. Initialement prévue pour le 5 janvier 2020, la rentrée scolaire et universitaire 2020-2021 a été repoussée au 25 janvier avec possibilité de report si la pandémie continue à sévir avec la même énergie.
Du mimétisme
Cette situation de l’école malienne interpelle des spécialistes de l’éducation qui ne comprennent pas la motivation réelle de ce report bien vrai que la seconde vague de la pandémie frappe de plein fouet le pays.
Dr Seydou Loua, enseignant–chercheur à l’Université des Lettres et des Sciences humaines de Bamako, déplore en effet ce « report brutal » des cours. Il doute d’ailleurs que ce report puisse contribuer à la lutte contre cette maladie.
Durant la première vague du coronavirus, l’autre pandémie dans la pandémie a été la fermeture des classes, dans certains cas, alors que les pays ne comptaient pas assez de cas positifs. Après quelques mois, durant lesquels la continuité pédagogique a été assurée, les écoles ont été rouvertes en pleine pandémie avec comme consigne, le respect des mesures édictées. « Je ne pense pas vraiment que l’école soit un lieu de propagation de ce virus », indique Dr Loua. Surtout que « quand les enfants ne sont pas à l’école, ils se retrouvent entre eux dans la rue ». Et là, précise-t-il, c’est encore « pire ». Mais les autorités maliennes « suivraient juste le mouvement international », pense-t-il.
D’autres alternatives
Au lieu du report des rentrées scolaires, Dr Loua invite plutôt à ouvrir les écoles tout en exigeant le respect de certaines mesures comme le port du masque pour chaque élève et chaque enseignant, la mise en place de kits de lavage des mains devant chaque établissement et la mise à la disposition des élèves aussi bien que des enseignants des gels hydroalcooliques. « Je pense qu’avec ces trois mesures, on peut ouvrir les écoles pour ne pas perdre encore cette année scolaire », a-t-il indiqué.
Le ton reste le même du côté de Ousmane Almoudou, le nouveau porte-parole des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016. Selon lui, l’école malienne ne devrait connaître aucune perturbation cette année. D’où l’importance pour lui de prévoir d’autres alternatives que les « fermetures successives des classes ». M. Almoudou invite surtout au « respect de la continuité pédagogique ».
Toutefois, le porte-parole des enseignants suggère que l’on mette à la disposition des établissements des kits sanitaires tout en les imposant le respect de la distanciation dans les salles de classe. Ces mesures sont importantes à ses yeux, car nul ne sait quand cette maladie prendra fin. Selon lui, le risque de ce report est surtout la prolongation de l’année scolaire dans les vacances. Pourtant, « à partir du mois de mai, des zones du Mali deviennent inaccessibles ».
Le gouvernement à l’œuvre
Au cours d’une conférence de presse animée mercredi 6 janvier 2021 par la secrétaire générale du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Mme Diarra Haby Sanou, dans les locaux de son département, il a été question non seulement des raisons du report de la rentrée scolaire et universitaire, mais aussi des mesures que le gouvernement envisage pour une meilleure rentrée. Bien qu’elle reconnaisse la possibilité que la date du 25 janvier soit à nouveau reportée, Mme Diarra Haby Sanou a laissé quand même comprendre que les autorités en charge de l’éducation travaillent « d’arrache-pied pour déployer les moyens nécessaires afin que la rentrée scolaire et universitaire soit effective sans interruption ».
Pour réussir ce pari, le gouvernement a pris certaines mesures. « Le port du masque, la dotation des établissements scolaires en kits sanitaires, notamment de lavage des mains au savon, de gels ou de solutions hydroalcooliques, la limitation du nombre d’élèves par classe (25 élèves par classe), celle d’étudiants dans l’amphithéâtre (50 étudiants au plus) et les cours à distance, sont des mesures de prévention prises pour permettre aux enfants de bien apprendre », a-t-elle précisé.
Une ancienne expérience mal vécue
En ce qui concerne les cours à distance, l’expérience de la première vague de la pandémie en la matière ne serait pas reluisante. Mahamadou Ongoïba, coordinateur national de la Coalition Éducation pour tous (EPT) et qui a travaillé en collaboration avec la Direction de l’enseignement fondamentale du Mali ainsi que d’autres structures sur le programme des cours à distance durant la première vague de la pandémie du coronavirus, souligne que beaucoup de difficultés ont été rencontrées dans l’application du programme de cours en ligne au Mali. Selon ses mots, ces cours à distance nécessitent que les parents soient alphabétisés. Outre cela, il faut des moyens appropriés, tels que l’accès à la télévision, à un poste radio, à l’internet, etc. ; pour le plein succès de cette initiative.
Avant de se lancer à nouveau dans une telle entreprise, il convient alors de faire le bilan de son application durant la première vague de la maladie à coronavirus.
Fousseni Togola
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